Diminution du nombre de greffes en 2018 : un signal très inquiétant qui nécessite des mesures urgentes
En octobre 2018, l’Agence de la Biomédecine (AbM) a indiqué l’existence d’une diminution de l’activité de prélèvement sur donneurs décédés sur les premiers mois de l’année. Après des années d’augmentation régulière, cette régression vient d’être confirmée : 50 donneurs décédés de moins qu’en 2017 ont été prélevés. Or, un donneur, c’est en moyenne 4 organes transplantés.
-6% de greffes rénales
L’impact de ce recul est fort pour les patients insuffisants rénaux. Le nombre de greffes rénales a diminué de 6% par rapport à 2017 (236 en moins, 3546 contre 3782). Cette diminution est très inquiétante, dans un contexte où l’ensemble des recommandations plaident au contraire pour élargir fortement le recours à la greffe de préférence à la dialyse, et où le nombre de patients dialysés augmente de 4% environ chaque année.
Grippe et accidents vasculaires cérébraux
Deux motifs principaux sont évoqués par l’AbM pour expliquer ce phénomène : la diminution de 15% de la mortalité liée aux AVC et l’épidémie de grippe de l’hiver 2018.
Sur ce second motif, on peut s’étonner de l’impact d’une épidémie survenant de manière prévisible chaque année sur une activité considérée comme une priorité nationale.
Il est probable que la crise actuelle du monde hospitalier et les profondes difficultés rencontrées sur le terrain contribuent aussi à cet état de fait.
Ces constats, qui montrent bien la fragilité du prélèvement d’organes, doivent conduire à réaffirmer cette priorité nationale et à la soutenir bien plus fortement.
-12% de dons du vivant
De manière préoccupante, le recul du nombre de greffes n’est pas seulement lié au prélèvement sur donneurs décédés.
Alors qu’il stagnait depuis trois ans, le nombre de donneurs vivants a régressé en 2018 : seulement 537 greffes de ce type ont été réalisées, contre 611 en 2017, alors que le plan greffe 3 fixe l’objectif de 1000 en 2021. La part de la greffe de donneurs vivants en France (15%) reste très inférieure à celle observée chez beaucoup de nos voisins européens, où elle dépasse régulièrement les 30% (Royaume Uni, Pays Bas, pays scandinaves, etc.)
Aucune explication n’est avancée par l’AbM pour expliquer ce recul. Dans un article publié récemment, la commission transplantation de la SFNDT alertait sur les principaux freins à son développement : la disponibilité des blocs, le temps de coordination et le manque de néphrologues. Il s’agit d’une activité lourde et complexe, y compris au plan administratif, très dépendante des moyens qui y sont alloués et de la motivation des équipes de greffe. Des difficultés bien illustrées par l’hétérogénéité des pratiques : en 2017, seules 8 équipes sur 35 ont atteint ou dépassé l’objectif de 20 % de greffes de donneur vivant fixé par les pouvoirs publics (Grenoble, Toulouse, Saint-Etienne, Paris-Necker, Strasbourg, Nancy, Bordeaux et Besançon), tandis que 8 autres restaient en deçà des 10% (Limoges, Poitiers, Tours, Paris-Tenon, Brest, Angers, Lille et Clermont Ferrand).
Une progression des dons suite à un arrêt cardiaque après une limitation ou un arrêt des thérapeutiques
Seul signal positif, la progression des dons de type « Maastricht III » (M3), qui ont permis la réalisation de 281 greffes en 2018 (234 en 2017). Malgré cette progression de 20%, ces dons représentent moins de 8% des donneurs décédés en France, contre 25% en Espagne, 30% en Belgique, 43% au Royaume Uni et plus de 50% aux Pays Bas. Un retard notamment lié au fait qu’à ce jour, seuls 26 hôpitaux, soit la moitié des CHU, réalisent ces prélèvements en France.
Pas d’augmentation du taux de refus
Il s’est élevé à 30% en 2018, contre 30,5% en 2017 et 33% en 2016. L’Agence de la Biomédecine en déduit que la baisse d’activité n’est pas liée à la modification de la loi sur le don d’organe entrée en vigueur en 2017.
Ce point mériterait cependant d’être d’avantage documenté, notamment en observant les taux de donneurs recensés pour lesquels une démarche auprès des proches est effectivement engagée. En effet, il est possible que des coordinations renoncent dans certains cas à cette démarche, afin d’éviter des conflits avec les proches autour des nouvelles conditions de consentement. Si l’existence de tels phénomènes d’autocensure était confirmée, elle contribuerait à la diminution du prélèvement, sans impact sur le taux de refus.
Après les constats, place à l’action
Une chose est sûre : ce recul de la greffe rénale est un signal alarmant, qui nécessite de la part des pouvoirs publics une réaction énergique, à la hauteur de son statut de priorité nationale, et un soutien très fort tant pour le don du vivant comme après la mort.
Les évolutions de la médecine et de la société doivent être anticipées et accompagnées : si on ne peut que se féliciter de la diminution de la mortalité liée aux AVC, il est urgent de s’engager fortement en faveur des autres leviers de développement de la greffe, notamment le donneur vivant et les prélèvement M3, dont le potentiel est important.
Renaloo, en tant qu’association de patients, souhaite vivement participer à cet effort et aux travaux que l’Agence de la biomédecine ne manquera pas d’initier rapidement dans ce sens.
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